La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) fait parler d’elle depuis déjà plusieurs mois tant les bouleversements qu’elle entraîne ont des répercussions sur les entreprises. En effet, la CSRD est plus ambitieuse que la NFRD. Elle a pour objectif d’intégrer les enjeux climatiques et sociétaux parmi les politiques de développement des entreprises. Pour cela, ce nouveau règlement européen impose une transparence et un partage de données ESG ne laissant plus de place à l’imprécision. Par conséquent, ce dispositif va considérablement modifier les règles du jeu en exigeant des entreprises une totale transparence sur leurs actions RSE.
Le contexte et les objectifs de la CSRD
La CSRD a pour objectif de renforcer les mesures déjà appliquées au sein de l’Union européenne. Les législations telles que la NFRD, la taxonomie, ou encore la SFDR offrent un socle relativement large. Cela permet de communiquer les impacts positifs et négatifs des entreprises sur la société et l’environnement. Cependant, ces réglementations sont perçues comme insuffisantes pour inciter les entreprises à tendre vers un modèle économique plus durable. Et par conséquent, atteindre l’objectif du Green Deal européen avec une neutralité carbone d’ici 2050.
Encourager les investissements durables
Les investissements durables sont considérés comme la pierre angulaire de l’économie circulaire. Les investissements à impact sont encouragés par la CSRD. En effet, celle-ci impose une transparence totale sur ce sujet. Ainsi, l’objectif est de favoriser le développement d’activités présentant des impacts neutres ou positifs sur la société et l’environnement.
Lutter contre l’écoblanchiment
L’écoblanchiment — ou greenwashing — est devenu un réel fléau en l’espace de quelques années. Les indulgences accordées par l’actuelle NFRD ont fait émerger bon nombre de reportings extra-financiers et de campagnes marketing vantant les actions RSE, passant sous silence des pratiques bien plus discutables sur le plan sociétal et environnemental. Face à ce constat, la transparence imposée par la CSRD au niveau des données ESG des entreprises devrait permettre de réduire ces pratiques de greenwashing.
Les principales mesures de la CSRD
La CSRD est porteuse de nombreuses ambitions concernant la lutte contre le greenwashing et l’incitation aux investissements verts. Pour cela, ce nouveau règlement européen comprend plusieurs mesures efficaces. Avec l’application de la CSRD, les entreprises vont passer de la publication d’un reporting extra-financier à un reporting de durabilité. Il ne s’agit pas uniquement d’une nouvelle dénomination. Ainsi, les principaux changements découlant de la CSRD sont :
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- un reporting élargi à plus de 50 000 entreprises en Europe par rapport aux 11 000 entreprises concernées par la NFRD ;
- l’objectif d’atteindre un degré de précision concernant les informations ESG équivalent à celles des données financières dans les reportings financiers.
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La CSRD impose ainsi aux entreprises d’accorder autant d’intérêt et de transparence à leurs impacts sur la société et sur l’environnement qu’à leurs données financières. De cette façon, la durabilité s’inscrit progressivement dans un objectif de pérennité pour les acteurs économiques.
Harmoniser les publications des entreprises avec l’application des normes ESRS
Les normes ESRS représentent les principaux outils de la bonne application de la CSRD. En effet, ces normes ont pour objectif d’harmoniser les critères de publication des données ESG. À l’heure actuelle, les principales informations à retenir sur ce sujet sont :
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- 12 normes ESRS, classées en 3 catégories, susceptibles de modification par acte délégué de la Commission européenne dans les prochains mois ;
- des normes ESRS classées en 3 catégories :
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– universelles, qui seront obligatoires et applicables dès 2024 ;
– sectorielles, qui seront obligatoires avec une intégration progressive dans un délai de 5 ans ;
– spécifiques, qui seront librement applicables par les entreprises afin de mettre en avant des données non concernées par les normes ESRS universelles et sectorielles.
D’ici juin 2024, la Commission européenne est invitée à détailler les contours de l’application des normes. A savoir, des normes sectorielles, des normes proportionnées pour les PME cotées et des normes pour les entreprises de pays tiers.
Qui est concerné par la CSRD ?
L’un des objectifs de la CSRD est d’imposer à un plus grand nombre d’entreprises la publication de reportings de durabilité. Concrètement, les entreprises présentant un impact sur la société ou l’environnement devront faire preuve de transparence concernant leur stratégie RSE. Par ailleurs, les raisons de ces impacts peuvent s’expliquer par leur poids économique, leur filiation avec d’autres entreprises ou leur cotation en bourse. Les entreprises concernées par la CSRD sont :
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- les sociétés cotées sur les marchés réglementés européens, à l’exception des micro-entreprises ;
- les grandes entreprises européennes qui dépassent deux des trois seuils suivants :
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– 40 M€ de chiffre d’affaires ;
– 20 M€ de total de bilan ;
– 250 salariés .
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- les sociétés non européennes dont le chiffre d’affaires réalisé au sein de l’UE est supérieur à 150 M€.
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La CSRD permet ainsi d’intégrer toutes les entreprises ayant un impact au sein de l’économie de l’Union européenne, y compris les multinationales à l’international.
De NFRD à CSRD : quels changements ?
Pour rappel, la directive européenne NFRD est appliquée par le biais de la Déclaration de Performance Extra-Financière — DPEF — en France. L’objectif principal reste sensiblement le même : obliger les entreprises à publier un rapport ESG. Cependant, plusieurs mesures sont renforcées avec la CSRD grâce à :
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- l’uniformisation des rapports ESG au niveau européen pour une comparaison globale et facilitée des entreprises européennes sur leur performance durable ;
- la publication d’informations plus détaillées avec le passage d’un reporting extra-financier à un reporting de durabilité ;
- l’ajout de critères d’évaluation uniformément applicables au sein de l’Union européenne ;
- l’application du principe de double matérialité, avec une évaluation des risques et des opportunités de l’entreprise, mais également des incidences de l’activité de l’entreprise sur la population et le climat ;
- l’élargissement du nombre d’entreprises concernées par le reporting de durabilité ;
- le passage d’un contrôle en interne avec la NFRD à un contrôle par un organisme tiers avec l’application de la CSRD ;
- la création d’une étiquette digitale pour favoriser le traitement par les algorithmes et créer un point d’accès unique en ligne au niveau européen.
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Bon à savoir : l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a été chargé de rédiger des guides. L’objectif est de comprendre et appliquer les normes ESRS à destination des entreprises. Ces guides devraient porter sur l’appréciation de la double matérialité et sur la chaîne de valeur.
Taxonomie, SFDR, CSRD : quels liens ?
La taxonomie, la SFDR et la CSRD sont des réglementations européennes. Elles ont pour objectif la communication de données ESG à des fins de transparence. Ayant un enjeu commun, ces réglementations sont également complémentaires avec :
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- la taxonomie qui classe les activités économiques selon leur caractère durable et leurs efforts pour atteindre leurs objectifs environnementaux ;
- la SFDR qui impose la publication d’informations concernant les produits financiers sur leur caractère durable, afin de lutter contre l’écoblanchiment et de favoriser les investissements à impact.
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La taxonomie tout comme la SFDR sont de précieux outils. En effet, elles permettent de réaliser les reportings de durabilité des entreprises prochainement concernées par la CSRD. Par ailleurs, la CSRD est présentée comme un lien central entre la taxonomie, la SFDR, l’european Benckmark regulation (règlement sur les indices de référence) et le devoir de vigilance européen.
Quels changements pour les entreprises ?
Concrètement, la CSRD implique de faire un travail approfondi de remontée des données ESG au sein des entreprises concernées. Pour les entreprises déjà concernées par la NFRD, il s’agira de détailler avec précision les informations communiquées et d’intégrer d’autres critères d’évaluation. Pour les entreprises qui n’étaient pas tenues de publier un reporting extra-financier, le travail semble colossal. Ces entreprises sont invitées dès à présent à se familiariser avec les normes ESRS. Ainsi qu’à former leurs équipes à la remontée et au classement des données ESG. Les principaux changements à prendre en compte sont :
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- l’application du principe de double matérialité, qui impose de prendre en compte les risques sur l’activité de l’entreprise, ainsi que les impacts de l’activité de celle-ci sur l’environnement et la société ;
- l’inclusion de nouveaux indicateurs pour l’évaluation des ESRS (ex. : les typologies d’activités, la considération de la chaîne valeur, la prise en compte des parties prenantes, la définition des probabilités d’occurrence des impacts, risques, et opportunités, etc.) ;
- une granularité plus approfondie des informations communiquées.
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La transposition en France est prévue pour janvier 2024, avec les premières publications de reporting de durabilité au 1er janvier 2025 pour l’année 2024. Les maîtres mots à retenir de ce nouveau règlement européen sont :
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- la convergence normative ;
- l’exhaustivité ;
- la comparabilité ;
- la transparence.
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La CSRD s’inscrit toujours dans une obligation de communiquer et non de faire. Cependant, le périmètre élargi concernant son application ainsi que les normes ESRS vont de facto concerner la politique RSE des entreprises soucieuses de préserver leur clientèle et leurs investisseurs. Le critère de durabilité prend ainsi sa force contraignante en devenant progressivement un critère de pérennité pour les entreprises.
Rédigé par Laurensen Executive : https://laurensen.com/